# Le téléphone et moi
<p style="text-align: right;font-style:oblique">! <a data-href="Food for thought" href="https://legerement-serieux.ch/Fiches/PsychoPhilo/Food+for+thought" class="internal-link" target="_blank" rel="noopener">Food for thought</a> !</p>
Le téléphone et moi, nous ne sommes pas copains. Il y a fort longtemps que j’ai fait cette constatation. Comme je ne saurais me contenter de simplement constatater un tel fait, je me suis posé la question du « pourquoi du comment » — selon l’expression d’un de mes patients.
À quoi sert le téléphone ? À parler avec quelqu’un qui n’est pas physiquement près de vous. Cela peut être commode, je n’en disconviens pas. Certaines personnes trouvent que c’est agréable. Ce n’est pas mon cas. De loin pas. Car je préfère parler aux gens « en vrai » ou en “live”, si vous préférez. En chair et en os.
Dans un contexte professionnel, le téléphone peut servir de moyen de communication et d’échange d’information. Mais je le trouve extraordinairement démodé, maintenant qu’existe l’e-mail. Son seul avantage, c’est d’être plus humain, plus chaleureux. Il peut être plus agréable pour la prise de rendez-vous, par exemple.
Je peux lui trouver une utilité lorsqu’il s’agit d’échanger une brève information _ET_ que c’est plus rapide que par e-mail. Mais on se heurte au côté le plus gênant du téléphone : le simple fait qu’il sonne constitue une interruption, voire une intrusion. À moins que vous n’appeliez quelqu’un dont c’est le métier de répondre au téléphone — une téléphoniste, justement, ou un standardiste, ou une réceptionniste, ou l’employé d’un service après-vente ou d’un help-desk —, la personne que vous appelez est forcément en train de faire quelque chose. Elle travaille ou bien elle est en pause. Elle est en train de lire ou d’écrire. Ou bien elle est en discussion avec quelqu’un. Dites-moi, quels sont les moments où vous pouvez être certain que la personne que vous appelez est totalement disponible pour vous parler, là, maintenant, tout de suite, au moment même, sur le champ ? Vous ne pouvez jamais en être certain, n’est-ce pas ? Alors je trouve que c’est la moindre des politesses que de lui demander si elle est disponible ou, en tout cas, de faire très court pour ne pas la déranger plus que tant. Ne rien demander et parler à votre interlocuteur comme s’il avait tout le temps du monde, c’est l’insulter en tenant pour acquis qu’il n’a rien d’autre à faire que de vous parler. De toute manière, il faut avoir de bonnes raisons pour appeler quelqu’un au téléphone plutôt que de lui envoyer un e-mail. De plus, il y a des heures admises pour appeler.
Je pense qu’aujourd’hui, en 2015, tout ce que je viens d’évoquer est aussi valable dans le privé. Certes, il y a des gens qui ne savent pas que faire de leur temps, qui s’ennuient et supportent très mal d’être seuls. Pour ces gens-là, recevoir un coup de téléphone est souvent un plaisir, quelque chose qui les tire de leur ennui. Je ne fais pas partie de ce groupe de personnes. Non seulement je ne m’ennuie jamais, mais en plus je suis loin d’avoir le temps de faire tout ce que j’aimerais bien faire si le temps à ma disposition était infini. Mais il ne l’est pas, j’ai compris cette vérité dans ma trentaine. Je me suis fait une raison . Ce que j’arriverai à faire, à goûter, à réaliser, à vivre, ce n’est pas infini, c’est limité. Comme les ressources de la planète. En dehors du temps que je passe à travailler ou à mes activités sociales, il ne me reste que très peu de temps « pour moi » et pour mon couple. Car, quand on a la chance d’être en couple, il faut aussi consacrer du temps à en prendre soin, n’est-ce pas ? Le temps passé en couple, pour moi, est sacré. Il y a encore le temps des déplacements : en train, ou en voiture. Franchement, est-ce un bon moment pour être appelé ? Pas pour moi, car dans le train, j’aime lire ou écrire. Et quand je lis ou que j’écris, je n’aime pas être dérangé. Le tout petit peu de temps qui me reste, après avoir enlevé tout ce qui précède, je n’ai vraiment pas besoin de me creuser la tête pour savoir qu’en faire : écrire, réfléchir, lire, écouter de la musique, méditer, manger, faire du rangement, regarder un film ou une émission, me reposer… Vous l’aurez compris : quand est-ce que le téléphone pourrait sonner et ne pas être une intrusion dans ce que je suis en train de faire ? La réponse est _JAMAIS_ !
Est-ce à dire qu’il est impossible de me parler au téléphone ? Pas du tout. Il y a des amis qui habitent suffisamment loin pour qu’il soit tout de même, à l’occasion, plus pratique de se parler au téléphone que de se rencontrer. Alors nous prenons rendez-vous. Il y a aussi des téléphones « administratifs » qui sont incontournables : avec un assureur, avec l’un ou l’autre contact professionnel ou avec des contacts dans le cadre de ma vie associative, par exemple. Pour ces téléphones-là aussi, je suis adepte du rendez-vous : on convient d’un moment où tous les deux seront disponibles et l’on s’appelle à ce moment convenu.
Vous savez sans doute la plaie que constitue le démarchage téléphonique. Si vous y réfléchissez un petit peu, vous réalisez que cela ne marche que parce que la plupart des gens acceptent d’être dérangés par le téléphone. C’est une raison de plus pour que je maintienne mon attitude militante face au dérangement que constitue le téléphone. Il est hors de question que quelqu’un m’appelle sans m’avoir prévenu qu’il allait m’appeler. Sauf pour un cas de force majeure. La liste des gens pour qui je suis un répondant « en cas de force majeure » est très limitée.
 
<p style="text-align: center;"><a href="https://dr-spinnler.ch"><img src="https://dr-spinnler.ch/myfiles/logos/Olivier-Spinnler.png" class= "signature"/></a></p>
<p style="text-align: center; font-style: italic;">le 9 mai 2015
</p>
 
----------------------------------------------
[[réflexions et essais]]
#société #réflexions