# “Temps présent” sur le harcèlement scolaire
J’ai regardé, le jeudi 21 mars 2024, dans l’émission “Temps Présent” de la RTS, un sujet sur le harcèlement scolaire. Si je suis gentil, je dis juste que je suis resté sur ma faim. Mais si je dis vraiment ce que je pense, je dis que j’ai été outré et que c’est un exemple de plus de journalisme qui ne fait pas son travail.
Qu’avons-nous vu ?
* Des enfants qui ont souffert de harcèlement scolaire extrêmement grave. Ils ont souffert au point de considérer le suicide. Dans l’émission, ils ont pu dire leur souffrance. Mais avec beaucoup de distance, car c’était visiblement des enfants avec une capacité de résilience hors norme et qui avaient, plus que probablement, déjà fait un travail intérieur énorme à propos des traumatismes subis.
* Les familles, les proches de ces enfants qui ont aussi pu dire leur souffrance à eux.
* La non-action de l’école et des autorités scolaires du canton.
* Face à cette non-action — qui est équivalente à un déni de l’existence de la problématique, mais ça n’a même pas été dit dans l’émission —, la nécessité de certaines familles de déménager pour permettre de donner à l’enfant une nouvelle chance, un nouveau départ. Une enfant a bien exprimé que, pour elle, ça équivalait à la *double peine* : à la peine du harcèlement, on ajoute celle de devoir se séparer des camarades avec qui on a tissé des liens positifs.
* Les autorités scolaires — représentées par un « directeur général » — n’ont rien compris à la problématique et se drapent dans une autosatisfaction et une autosuffisance basée sur « nous avons mis en place des procédures qui garantissent le bien-être de tous les élèves ». Visiblement, rien ne fonctionne, puisqu’il continue d’y avoir des élèves en souffrance extrêmement grave. Mais les autorités préfèrent dire que « si des élèves se font harceler, c’est sans doute parce qu’*ils ne possèdent pas les codes sociaux*. » Remise en question d’elles-même et de leurs procédures ? Zéro ! « Circulez, il n’y a pas de problèmes. Et s’il y en a, nous les gérons à la perfection ! » Quel magnifique narcissisme !
* Existe-t-il quelque méthode qui pourrait traiter le problème du harcèlement scolaire ? L’émission a évoqué la méthode de la *préoccupation partagée*. Et la psychologue interrogée, spécialiste de cette problématique, a clairement dit que cette méthode ne fonctionne que si elle est appliquée très au début d’un cas de harcèlement et qu’elle ne fonctionne pas du tout dans les cas les plus graves. Quant aux victimes, elles ont clairement dit que ça calmait le harcèlement pendant deux semaines, et que le harcèlement continuait ensuite, comme avant.
Voilà, c’est tout. Il n’y a rien de plus, dans le reportage. On a juste vu ce qu’on savait déjà, c’est-à-dire que le harcèlement scolaire existe. On a peut-être vu d’un peu plus près et peut-être que quelques téléspectateurs auront réalisé que « ça peut parfois être plus grave que ce qu’on croit ». On a surtout vu les autorités scolaires — des professeurs aux directions d’établissements scolaires et à la direction générale au niveau cantonal — totalement démissionnaires face à la problématique. Mais ce n’est même pas dénoncé par le reportage, c’est juste donné à constater.
Là où je trouve que le journalisme manque totalement à son devoir, c’est que, suite à ce constat — qu’il fait assez bien, j’en conviens —, il n’y a aucune réflexion, aucun énoncé de la vraie problématique, pas le moindre petit début de proposition de ce qui pourrait être envisagé pour éviter que de tels faits et de telles souffrances continuent à exister.
Alors, laissez-moi livrer quelques réflexions à ce sujet.
* La violence existe, il ne faut pas la nier.
* Dire que la violence existe, c’est dire qu’il y a des agresseurs et des agressés. Que ce soit chez les « grandes personnes » (plus de 18 ans), chez les ados ou chez les enfants, le problème est le même : il faut à la fois protéger les victimes et dire clairement aux agresseurs que leurs actes ne sont pas tolérés par la société ni par la morale.
* Ce n’est pas « parce que la violence a toujours existé » qu’il faut la banaliser et la tolérer.
* C’est justement chez les enfants qu’il convient de faire la prévention de la violence : leur expliquer ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Ce que c’est que la tolérance, le respect, la non-violence, etc.
* Au lieu de cela, on laisse la violence des enfants, littéralement, se *déchaîner*. Je ne parle même pas forcément de la problématique de *punir ou ne pas punir* les harceleurs ni de *comment les punir*. Non, je trouve qu’on pourrait *au minimum* les éduquer et leur dire que leurs actes sont inadmissibles.
* ***Personne*** ne dit aux « harceleurs » que leurs comportements ne sont pas admissibles ! C’est ce que je trouve le plus incroyable. Ainsi, ils peuvent tranquillement s’installer dans la conviction que leurs actes sont OK, qu’ils ont pleinement le droit de faire du mal aux autres, que ça ne pose aucun problème, sauf à leur victime. Comme c’est ce qu’ils cherchent — faire mal à leur victime —, ils peuvent jouir pleinement du mal qu’il font, sans aucune arrière-pensée et sans le plus petit début du moindre sentiment de culpabilité. C’est ce qu’on appelle de la *perversité*. On nous donne donc à constater que la perversité est acceptée et tolérée dans notre société, en particulier dans les établissements scolaires. N’est-ce pas un tout petit peu effrayant ?
Vous avez sans doute déjà rencontré cette pensée attribuée à Albert Einstein :
> Le problème, dans le monde, ce n’est pas qu’il y en a qui font le mal. <br>Le problème, c’est ceux qui les laissent faire.
Cette émission de *Temps Présent* aura au moins servi d’illustration à cette pensée.
Je souhaite de tout mon cœur qu’on n’en reste pas là !
 
<p style="text-align: center;"><a href="https://dr-spinnler.ch"><img src="https://dr-spinnler.ch/myfiles/logos/Logo-Dr.png" class= "signature"/></a></p>
<p style="text-align: center; font-style: italic;">le 25 mars 2024
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