# Enjeux pratiques et enjeux affectifs
Dans toutes les relations humaines, il y a des enjeux et il convient d’en distinguer deux catégories :
* les enjeux *pratiques*
* les enjeux *affectifs* ou *émotionnels*.
Ceci découle du fait que la Réalité de chaque personne, le *monde* de chaque personne, a deux composantes philosophiquement distinctes : [[l’intérieur et l’extérieur]].
 
![[Enjeux relationnels.png]]
 
### Enjeux pratiques
Ce sont les enjeux qui concernent l’***extérieur*** des choses et des personnes :
* le temps ; donc ⭢ les délais
* l’argent ; donc ⭢ les coûts, le budget
* les données, les informations
* ce qui est matériellement possible ou pas
* les paroles, les écrits
* les gestes, les comportements,
* la décoration
* le niveau sonore
* l’espace
* le rangement des objets
* le rôle que je suis censé tenir et donc l’étendue de mon pouvoir…
* et donc l’étendue de mes *responsabilités* au niveau pratique
* etc.
### Enjeux affectifs
Ce sont les enjeux qui concernent l’***intérieur*** des choses et des personnes :
* les émotions, le ressenti
* se sentir considéré, pris en compte, respecté
* se sentir reconnu
* se sentir entendu, compris, apprécié, etc.
* le contentement, la satisfaction
* les motivations
* l’estime de soi
* le rôle dans lequel je me sens ou dans lequel les autres me voient
* comment est-ce que je me sens dans ce rôle ?
* etc.
### L’importance de distinguer les enjeux pratiques des enjeux affectifs
> On peut constater tous les jours et dans tous les milieux que *toutes* les difficultés relationnelles et *toutes* les disputes ont leur racine dans la *confusion* entre les enjeux pratiques et les enjeux affectifs.
>
> Savoir distinguer ces deux types d’enjeux est une condition *sine qua non* pour la résolution des conflits.
> <div class="citation-source">Olivier Spinnler</div>
Pourquoi est-il important de faire cette distinction ? Il y a beaucoup de raisons ! En voici quelques unes.
###### Ce qui est objectif et ce qui ne l’est pas
* Les enjeux pratiques concernent des choses *objectives*, des choses que l’on peut mesurer, des choses qui ne sont pas dépendantes d’une *appréciation*. Par conséquent, dans ce qui est pratique, il y a du vrai / faux, des mesures et des constations qui ne dépendent pas de l’observateur, qui ne sont pas des questions de « point de vue » et ainsi de suite.
* À l’inverse, dans tout ce qui est *affectif*, c’est toujours une question de point de vue, puisque, par définition, on est dans le monde intérieur des personnes, on est dans le domaine du subjectif. On ne peut pas établir une *vérité*, on ne peut pas déterminer si quelqu’un a raison ou tort, et ainsi de suite.
Tant qu’on reste dans le *pratique*, on peut établir si les choses sont justes ou fausse, si quelqu’un ment, si quelqu’un a fait ou n’a pas fait ceci ou cela, etc. On peut établir tout cela avec objectivité et avec un certain degré de certitude, du moins tant qu’on a des traces ^[Les traces, ce peut être des écrits, des photos, des enregistrements ou des témoignages, pour autant que les témoins soient de bonne foi. Si les personnes en cause sont honnêtes, elles peuvent aussi confronter leurs souvenirs et arriver à établir les faits au plus près de la réalité.] de ce dont on parle.
Tandis que dans l’*affectif*, il n’y a jamais de certitudes, il n’y a rien d’objectif. Ce ne sont que les personnes elles-mêmes qui peuvent dire leurs émotions, ce qu’elles ressentent, leurs sentiments, leurs impressions, etc.
Par exemple : « je me sens blessé par cette remarque ». Personne n’a le droit de dire à la personne « ce n’est pas vrai, tu ne te sens pas blessé ! » Ce qui est objectif, c’est la remarque en question : ça a été dit ou ça n’a pas été dit, ça a été écrit ou pas, ceci est *objectif*. Mais comment la personne ressent la remarque, si ça la touche ou pas, à quel point ça la touche, tout ceci lui appartient complètement.
À partir du moment où il est établi que la remarque a été dite — ce qui relève de l’extérieur —, on peut discuter quant à savoir si la remarque peut être considérée comme blessante, dans quelle mesure, etc. On peut cerner cette question en demandant leur avis à un certain nombre de personnes et surtout en dehors du climat émotionnel de la dispute.
Mais en aucune manière on ne peut dire à la personne : « tu racontes des histoires, tu n’es pas blessée ! » On ne peut pas prétendre *savoir* ce que la personne ressent. Si on le fait, on est en flagrant délit de [[terrorisme relationnel]] ! ^[Je ne saurais assez vous recommander de lire cette page. Le terrorisme relationnel est un poison puissant pour les relations.]
Quand je dis que « l’affectif appartient à la personne », ce que je veux dire, c’est qu’il appartient à chacun de nous de savoir gérer ses émotions, de savoir quoi faire avec la tristesse, avec la colère, avec la peur, avec un sentiment de rejet ou d’abandon, etc. Il n’y a pas forcément des relations automatiques et univoques entre des *événements* ou des *actions* et des *émotions*. L’affectif et l’émotionnel, notre monde intérieur, on en prend soin avec soi-même, avec ses proches, avec ses Amis… ou avec son psy. Ce n’est pas aux supérieurs, aux collègues ou aux camarades de club de s’occuper de nos sentiments, ce n’est clairement pas à eux qu’il faut s’adresser pour chercher du réconfort ou de la compréhension. À moins qu’ils ne soient également des amis, ce qui est plutôt rare.
###### La manipulation psychologique
« Tu serais gentil de me faire ceci-cela. »
« Si vous étiez motivé, vous arriveriez plus tôt. »
« Je suis déçu que tu ne t’occupes pas de cela. »
« Ça me chagrine que tu n’acceptes pas cette tâche. »
Je vous laisse étudier ces phrases et y découvrir ce qui relève de l’affectif et ce qui relève du pratique, pour chacun des protagonistes. Vous devriez vous rendre compte que c’est cet entremêlage, cette confusion entre le pratique et l’affectif qui est manipulatoire et qui génère un malaise.
À partir du moment où vous savez vous concentrer sur le pratique, gérer vous-même vos enjeux pratiques, selon vos critères à vous, que vous savez négocier en restant focalisé sur le pratique, vous devenez *imperméable* à la manipulation.
Tandis que si vous ne détectez pas les enjeux affectifs et que, un peu malgré vous, vous les laissez dominer vos choix, alors vous donnez une énorme prise à toutes sortes de manipulation.
Observez les votations : que ce soit sur les impôts, l’écologie, les retraites, l’immigration, etc. À peu près sur n’importe quel sujet, des spécialistes discutent et donnent des arguments logiques qui se concentrent le plus possible sur les aspects *pratiques des choses*. Mais les affiches en ville, les espaces achetés dans les journaux et les discussions sur les réseaux sociaux et dans les cafés n’évoquent pratiquement que des arguments affectifs ! À la fin, sauf en de rares exceptions, le peuple vote en fonction des arguments affectifs et ce sont ces arguments qui sont discutés dans les commentaires sur les votations ! La plupart du temps, les arguments pratiques passent à la trappe…
###### Les jeux de pouvoir
Sans entrer dans les détails, disons que les jeux de pouvoir se mettent en place dès lors qu’une personne *attend* une action d’une autre personne sans jamais la demander directement. Exemple typique : la vaisselle sale qui s’accumule dans l’évier. À un certain moment, une personne va « craquer » et faire la vaisselle. Pourquoi le fait-elle et surtout, pourquoi le fait-elle sans rien dire aux autres ? Pour éviter les enjeux affectifs ! Pour éviter de passer pour une râleuse, pour éviter d’embêter les autres, pour qu’on ne puisse pas lui reprocher de ne pas faire la vaisselle, pour faire plaisir aux autres, etc. Pour mille raisons qui, pratiquement toutes, sont des raisons affectives ! C’est rarement simplement « pour qu’on ait de la vaisselle propre ». Et surtout, comme il s’agit d’un jeu de pouvoir, c’est toujours la même personne qui fait la vaisselle et elle accumule du ressenti, qui finit par exploser en colère : « C’est pas juste, c’est toujours moi qui fais la vaisselle ici ! » Et la discussion peut très vite déraper sur « mais pourquoi dis-tu que ce n’est pas juste ? Ce n’est pas ma faute si tu ne supportes pas la vaisselle dans l’évier ! » ou bien l’autre classique : « ce n’est pas vrai, l’autre jour, c’est moi qui ai fait la vaisselle. Tu n’as pas à te mettre dans des états pareils ! » Ce serait pourtant si simple de *négocier* : « Qui fait la vaisselle ? Chacun à son tour ? Quand ? Comment est-ce qu’on se partage les tâches ? » C’est cela qui serait « se concentrer sur le pratique ». On discuterait de « qui fait quoi », au lieu de se perdre dans les états d’âme, les frustrations, la discussion des intentions cachées, les états d’esprit, la lutte pour la position haute, etc.
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Maintenant que vous voyez clairement la différence entre les enjeux pratiques et les enjeux affectifs, je vous propose de passer au chapitre ⭢ [[comment gérer les enjeux pratiques et les enjeux affectifs]] ?
### Quelques considérations
Il faut reconnaître que « séparer les enjeux pratiques des enjeux affectifs », ce n’est pas quelque chose de facile. Il est très dommage qu’on ne l’apprenne pas à l’école obligatoire, tout comme il est très dommage qu’on n’apprenne pas à l’école à gérer ses émotions. Mais il semble que ce soit en train de changer, que certains enseignants se sont déjà mis à enseigner aux élèves à gérer leurs émotions. Séparer les enjeux pratiques des enjeux affectifs, c’est le pas suivant.
Cela fait partie de la maturité psychologique que d’[[gestion des enjeux relationnels (maturité psychologique)|être capable de gérer les enjeux relationnels]] sans mélanger les enjeux pratiques et les enjeux affectifs.
Gérer correctement les enjeux pratiques et les enjeux pratiques, c’est une condition *sine qua non* pour des relations humaines harmonieuses. Comme nous l’avons vu plus haut, cela fait partie de la prévention des jeux de pouvoir, de la manipulation psychologique et des psychodrames relationnels.
### Fiches connexes
⭢ [[comment gérer les enjeux pratiques et les enjeux affectifs]] ?
⭢ [[gestion des enjeux relationnels (maturité psychologique)|gestion des enjeux relationnels et maturité psychologique]]
⭢ [[il ou elle le prend mal]]
 
<p style="text-align: center;"><a href="https://dr-spinnler.ch"><img src="https://dr-spinnler.ch/myfiles/logos/Logo-Dr.png" class= "signature"/></a></p>
<p style="text-align: center; font-style: italic;">le 10 mai 2024
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[[liste des SUJETS psychophilosophiques|sujets psychophilosophiques]]
#relations #psychoPhilo