# Commentaires autour du poème “If” de Rudyard Kypling
<p style="text-align: right;font-style:oblique">! <a data-href="Food for thought" href="https://legerement-serieux.ch/Fiches/PsychoPhilo/Food+for+thought" class="internal-link" target="_blank" rel="noopener">Food for thought</a> !</p>
> Si tu peux garder l’esprit clair
> quand tous, autour de toi, perdent la tête ;
L’importance de « Voir le Vrai ». Si vous voyez clairement la *Vérité*, ce n’est pas ce que pensent les autres ou ce qu’ils disent qui doit vous en écarter.
Évidemment, il y a débat quant à savoir si la *Vérité* avec un grand « V » existe. Il y a des gens qui pensent que « tout est relatif, tout est toujours une question de point de vue ». C’est leur point de vue. On le leur laisse, car c’est une façon de nier la Vérité. Penser que « tout est toujours relatif », c’est s’interdire une certaine clarté d’esprit, c’est entretenir la confusion. Il est bon de savoir considérer la relativité de toute chose… mais en gardant l’esprit clair.
> Si tu peux te faire confiance alors que tous doutent de toi,
> tout en laissant une place à leur questionnement ;
Ah, la confiance en soi ! Mais ce n’est pas seulement de cela qu’il s’agit. Kypling évoque aussi la « saine remise en question ». Il s’agit de ne pas se remettre perpétuellement en question — ce qui revient à toujours douter de soi-même —, simplement d’accepter le miroir des autres, tout en conservant une base solide.
> Si tu peux attendre sans être fatigué d’attendre,
La patience est une grande qualité spirituelle !
> ou, tandis qu’on ment sur toi, ne pas te laisser aller au mensonge,
> ou, tandis qu’on te hait, ne pas verser toi-même dans la haine,
Il s’agit d’accepter que le mensonge et la haine existent — y compris au sujet de nous-même —, sans nous laisser contaminer par ces sentiments aux basses vibrations.
> et cependant ne pas faire le fier ni donner des leçons.
« Faire le fier » et « donner des leçons », c’est prendre une *position haute* par rapport à son prochain. Ce sont des *[[404|toxiques relationnels]]*.
Il s’agit également de se libérer du besoin — ou même du simple souhait — de *prouver* aux autres quoi que ce soit.
> Si tu peux rêver sans être l’esclave de tes rêves ;
> si tu peux penser sans que la pensée soit un but en soi ;
Ces deux vers parlent de *défusion*, en vocabulaire ACT, ou de *non identification* avec notre mental. Les rêves et les pensées sont des productions de notre mental, il ne faut pas s’identifier à eux. Nous sommes quelque chose de bien plus grand, de bien plus profond que cela. La Vérité de notre Être se situe au-delà de nos rêves et de nos pensées.
> si tu peux accueillir la victoire comme la défaite
> et traiter d’un même front ces deux imposteurs ;
Une approche véritablement spirituelle de la Vie ne voit jamais les expériences en tant que « victoire » ou « défaite ». La Vie est une succession d’expériences, un point c’est tout.
> Si tu peux supporter d’entendre les vérités que tu as dites
> être distordues par des manipulateurs pour tromper des sots,
Nous ne sommes pas maîtres de ce que les autres font de nos paroles et de nos écrits. On ne peut pas même exclure que nos pensées soient distordues et utilisées à de mauvaises fin. Cela aussi, il nous faut l’accepter.
> ou voir se briser les choses auxquelles tu as consacré ta vie
> et, l’acceptant, reconstruire avec des outils usés.
« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. » disait Nicolas Boileau.
Ne jamais se décourager. Persévérer.
Ces deux vers parlent aussi de se libérer du résultat. L’important, c’est le processus, la démarche. Le voyage, plus que le but. (Paolo Coelho et bien d’autres avant et après lui.)
Il convient de ne jamais perdre de vue la valeur de l’instant, la valeur de l’action présente — même si le résultat n’est pas garanti. C’est en ce sens que nous voyons les *valeurs* dans l’approche ACT.
Cependant, si le résultat vaut tout de même la peine, alors il faut le courage et la force de recommencer. Même si les outils sont usés.
> Si tu peux remettre en jeu tous tes gains à pile ou face,
> perdre et tout reprendre à zéro sans soupirer sur ta perte ;
C’est à nouveau l’idée de la persévérance.
Mais aussi, l’idée que *jamais rien n’est définitivement acquis*.
Il s’agit également de se libérer de l’idée de *posséder* quoi que ce soit. Les choses ne nous sont jamais que confiées pour un moment.
> Si tu peux contraindre ton corps, ton esprit et tout ton être à te servir,
> même quand ils n’en peuvent plus, alors qu’il ne te reste plus que la pensée « tiens bon ! »
Toujours la persévérance, qui est décidément une grande qualité spirituelle, au même titre que la *patience*.
Ces vers parlent aussi de la *non identification* à notre corps, à notre esprit, à notre être incarné. Ils ne sont que des « serviteurs » — dans le langage du XIXème siècle — de notre âme.
> Si tu peux t’entretenir avec les gens en gardant tes valeurs
> ou marcher avec les puissants sans perdre le sens commun ;
Quand on est toujours le *témoin* de ce qui se passe, quand on est bien installé dans cet « œil de la conscience qui observe », dans le “hidden observer”, ce n’est pas si difficile que cela !
> Si ni des ennemis ni des amis chers ne peuvent te blesser ;
Il s’agit d’avoir une *estime de soi* à toute épreuve.
Il s’agit de nous libérer de ce que les autres pensent de nous.
> Si tous les Hommes comptent pour toi sans qu’aucun ne compte trop ;
Cultiver l’Amour Inconditionnel.
Se libérer de l’*attachement*.
> Si tu sais remplir l’impitoyable minute avec soixante secondes de valeur,
On retrouve l’idée des *valeurs* telle qu’elle est proposée dans l’approche *ACT* — ici avec la granularité de la *minute*, ce qui est assurément ambitieux. Il n’empêche que si l’on parvient à vivre sa vie en sorte que chaque minute a une valeur intrinsèque, alors on célèbre vraiment tout ce que la Vie a de précieux et de Sacré.
> Alors la Terre et tout ce qui s’y trouve seront à toi
C’est peut-être le vers le plus faible de tout le poème : pourquoi vouloir posséder la Terre et tout ce qui s’y trouve ? Ce n’est certainement pas un souhait très spirituel. Mais peut-être est-ce ce qu’il faut proposer à quelqu’un qui n’est pas encore aux hauteurs proposées dans le reste du poème ? Ainsi, ça peut se comprendre.
> et — ce qui a plus de valeur — tu seras un Homme, mon fils !
Ah, heureusement, Kypling corrige tout de suite : il ne s’agit pas de posséder la Terre ou des biens matériels, mais bien de devenir un *Humain accompli* !
C’est certainement tout un programme, mais nous y sommes engagés, puisque nous sommes incarnés.
 
<p style="text-align: center;"><a href="https://dr-spinnler.ch"><img src="https://dr-spinnler.ch/myfiles/logos/Olivier-Spinnler.png" class= "signature"/></a></p>
<p style="text-align: center; font-style: italic;">le 20 mai 2023
</p>
 
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[[réflexions psychophilosophiques]] ✦ [[If — Rudyard Kypling|If — Introduction]]
#psychoPhilo