# Comment gérer les enjeux pratiques et les enjeux affectifs ?
J’insiste fortement : quand je dis qu’il faut *se concentrer sur les enjeux pratiques*, je ne dis pas du tout qu’il faille totalement laisser de côté les enjeux affectifs. Mais les deux points clefs sont les suivants :
1. **Il ne faut pas mélanger** les enjeux affectifs avec les enjeux pratiques.
2. Quand on règle un différend relationnel, il faut **toujours commencer par régler les enjeux pratiques**.
Ce n’est que dans un deuxième temps que l’on règlera — ou pas — les enjeux affectifs.
Il est évident que, tandis qu’on gère les [[enjeux pratiques et enjeux affectifs|enjeux pratiques]], on est tout de même censé observer les règles de la bonne communication humaine : respect de son interlocuteur, discussion pausée, écoute, etc. Zéro [[toxiques relationnels]], cela va sans dire !
### Laisser de côté les enjeux affectifs ?
#### Dans le professionnel
Dans un contexte professionnel, dans une entreprise ou entre collègues, entre partenaires professionnels, etc., il est *fondamental* et **obligatoire** de régler correctement tous les enjeux ==pratiques== et de prendre des décisions à leur sujet. Les [[comment prendre une décision|décisions]] doivent être fondées sur des arguments rationnels, sur du concret, sur des listes d’avantages et d’inconvénients réels. Quand ce sont des avantages et inconvénients *supposés*, on parle alors de risques et les risques également, tant qu’ils concernent du concret, font partie des *enjeux pratiques*.
Les enjeux affectifs, ce sont des considérations telles que :
* Est-ce que tout le monde sera content ou satisfait ?
* Est-ce que tout le monde comprendra la décision ?
* Comment est-ce qu’on va nous considérer, si nous prenons cette décision ?
* Est-ce que les gens ne vont pas penser ceci-cela de nous ou de notre décision ?
* Est-ce que des gens ne pourraient pas penser que nous décidons ceci parce que… [mettez ici toutes sortes de motivations possibles de la décision] ?
C’est sûr que l’on peut, jusqu’à un certain point, tenir compte de tels arguments relevant de l’affectif. Mais il y a des limites à cela :
* Que tout le monde soit content ou satisfait et que tout le monde comprenne une décision, c’est un cas idéal. Plus il y a de gens concernés, moins il est possible que cela arrive. À partir de 10 ou 20 personnes, ça devient, à mon avis, une quasi impossibilité ; il y aura toujours au moins une personne qui n’approuvera pas, qui ne sera pas satisfaite ou qui ne comprendra pas. La personne peut désapprouver pour de bonnes ou de mauvaises raisons. La personne peut ne pas comprendre parce qu’elle n’a pas envie de comprendre. Et ainsi de suite.
* Sur beaucoup de décisions, en particulier dans le monde professionnel, il s’agit de pondérer différents arguments, différentes considérations, même en ce qui concerne les objets purement pratiques. Par exemple : faut-il privilégier les effets à court ou à long terme ? Combien d’argent sommes-nous prêt à investir pour ce projet ? Est-ce qu’on privilégie les intérêts du groupe ou les intérêts des individus ? Les intérêts de quel groupe ? C’est là qu’interviennent des considérations idéologiques ou politiques et des critères qui peuvent être éminemment personnels. Ces considérations et ces critèrent ne sont évidemment pas les même pour tout le monde et c’est pourquoi il est *inévitable* que certaines personnes soient déçues ou frustrées ou plus ou moins contrariées par une décision.
* On peut perdre beaucoup de temps et d’énergie à vouloir convaincre tout le monde du bien fondé de notre décision et, à cause de ce qui vient d’être expliqué, c’est souvent totalement vain.
* Quoi qu’on fasse, on ne peut pas empêcher les gens de penser ce qu’ils veulent ou d’avoir des *a priori*. Pour prendre une décision importante, on s’applique à avoir une vision aussi large et aussi complète que possible de la problématique. Bien souvent les gens qui jugent ne prennent pas cette peine ou n’ont que des informations biaisées ou bien n’ont tout simplement pas accès à toutes les informations. C’est pourquoi, à la fin, ce n’est pas du mépris ou insulter les gens que de les *laisser penser ce qu’ils veulent* avec leur vision partielle ou biaisée des choses.
À la fin de la journée ^[“At the end of the day” disent les anglo-saxons.], il s’agit toujours d’*assumer* la ou les décisions prises, quoi qu’en pensent les gens et quoi qu’ils ressentent. Et le mieux, pour pouvoir assumer une décision, c’est d’être fermement convaincu qu’elle est *sensée*, c’est de la baser sur des considérations pratiques et concrètes, le moins possible sur des considérations émotionnelles. Au bout du compte, on peut dire qu’il s’agit de se libérer de ce que les autres pensent ou ressentent. C’est cela la vraie *liberté intérieure*.
J’ajoute que, dans la mesure où les relations sont par ailleurs saines, qu’il y a une culture du respect entre les personnes, que chacun s’applique à respecter l’objectif *zéro toxiques relationnels*, que chacun sait gérer ses émotions, ses déceptions, ses frustrations, etc., les enjeux affectifs sont à un minimum. En fait, il s’agit que les personnes soient *psychologiquement adultes*. Des personnes adultes gèrent leur intérieur et, au bout du compte, chacun réalise que les enjeux affectifs, c’est de soi-même à soi-même.
De plus si, dans un contexte professionnel, une personne se sent frustrée ou pas reconnue ou utilisée, et ainsi de suite, ce n’est certainement pas vers ses collègues ou vers son chef qu’elle doit se tourner pour en discuter. Elle a meilleur temps d’en discuter avec ses proches, avec un Ami ou une Amie avec un *A* majuscule ou avec son psy. Si ses problèmes relationnels sont liés à des enjeux pratiques, alors on revient au point de départ : il faut aller parler des *enjeux pratiques*, sans y mêler de l’affectif !
Dans un contexte professionnel, à partir du moment où les personnes sont respectées, les droits et devoirs de chacun sont clairs et les enjeux pratiques convenablement réglés, il n’y a pas forcément lieu de s’inquiéter explicitement quant à savoir si tout le monde est « content », « satisfait », « heureux » et ainsi de suite, s’il reste des frustrations, de l’amertume ou d’autres sentiments pénibles. Encore une fois, les personnes sont censées gérer cela pour elles-mêmes, de la façon qui leur convient. Mais je ne dis pas qu’il n’est pas utile, de temps en temps de le faire. C’est l’objet des *entretiens* de satisfaction ou d’appréciation. Si l’on fait ce genre d’entretien une fois par année ou tous les ans et demi, cela devrait être assez satisfaisant pour tout le monde.
#### Dans le privé
Il est évident que dans un contexte d’amitié, de couple, de famille, le confort émotionnel de chacun, c’est aussi un enjeu ! Par conséquent, c’est sûr que c’est une bonne idée que de veiller à ce que tout le monde soit le plus possible *heureux, content, satisfait* et ainsi de suite, que personne ne soit (trop) frustré ou déçu. Cela fait partie du *prendre soin* les uns des autres. Il n’est jamais bon que des déceptions ou des frustrations s’accumulent, que quelqu’un ait l’impression de ne pas être entendu ou pris en compte. Tout ceci fait partie des *enjeux affectifs* et, dans un contexte privé, **il est important** de s’en occuper. Mais, je ne le répéterai jamais assez :
1. **séparément** des enjeux pratiques ;
2. **après** avoir réglé les enjeux pratiques.
### Fiches connexes
⭢ [[enjeux pratiques et enjeux affectifs]]
⭢ [[gestion des conflits]]
 
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<p style="text-align: center; font-style: italic;">le 10 mai 2024
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[[enjeux pratiques et enjeux affectifs]]
#psychoPhilo #relations